Taille et nettoyage de fin d'hiver

Ça y est, c'est le printemps. Même si les chaleurs ne sont pas vraiment là, même s'il gèlera encore dans l'arrière pays, l'horloge interne des plantes fonctionne à plein régime. Capteurs et sondes internes des plantes ont mesuré l'égalité des signaux jour-nuit, l'ordinateur de bord a donné l'ordre du réveil. Le temps est venu de nettoyer le jardin, de tailler nombre de plantes. Le jardin commence à s'éveiller, le jardinier doit aider tout son petit monde à se lever, faire sa toilette, et déjeuner pour démarrer une nouvelle année de bon pied.

Certains d'entre nous, un peu pressés ou un peu maniaques, commencent dès l'automne. D'autres, comme nous, préconisent plus volontiers la date du Printemps, surtout dans l'arrière pays. Si feuilles jaunes et tiges sèches gênent certains, elles donnent au jardin un volume et une structure hivernale moins déprimante, elles donnent aussi refuge aux insectes et petits animaux pendant les mois difficiles, et permettent la formation d'un peu d'humus et souvent de nouveaux semis spontanés. Nous plaignons un peu les jardins taillés et nettoyés dès l'automne, où les plaies de tailles ouvertes aux agents pathogènes ne peuvent cicatriser pendant de longs mois, où les bourgeons mis à nu, ne peuvent se protéger des rigueurs de l'hiver.

Ce mois de mars permet aussi au jardinier amateur de comprendre ce qu'il peut faire et faire ainsi moins de bêtises. Le secret consiste tout simplement à observer. Observer n'est ni fatiguant ni compliqué. Il s'agit d'observer la position des bourgeons et des nouvelles pousses, ce qui est d'autant plus facile car maintenant ils sont pour la plupart visibles, ce qui n'était pas le cas auparavant. Plusieurs cas de figures peuvent alors se présenter :

  • les bourgeons et nouvelles pousses se trouvent au ras du sol. La végétation redémarre de sous la terre, toutes les parties aériennes de l'année précédente ont été abandonnées, il n'y a aucune équivoque possible, on peut donc tailler sévèrement, à ras du sol toutes les parties sèches. Ces plantes sont dites herbacées (végétation tendre), à feuillage caduque (renouvelé au printemps). Il s'agit pour la plupart de plantes qui ont développé cette stratégie pour pouvoir résister aux très grands froids, quitte à décevoir le jardinier l'hiver, pour mieux le surprendre au printemps (exemples : pivoines herbacées, népéta, grands sedum, ...)
  • les bourgeons sont à la pointe, ou en partie supérieure des rameaux. Ici ce n'est plus dans le sol que sont les réserves, mais en hauteur dans le bois. On comprend aisément qu'on ne peut supprimer les réserves ni tailler les promesses de vie. Donc on ne taille pas. Au pire on raccourcit une branche qui va trop loin, un rameau cassé par le vent, ou le bois mort. La coupe se fait alors juste au delà d'une ramification sans laisser de chicot. Ces plantes là sont dites arbustives (tiges ligneuses formées de bois), à feuillage caduque (renouvelé tous les ans)
  • il existe aussi des plantes herbacées ou arbustives, mais à feuillage persistant (feuillage qui se conserve en hiver). Il s'agit souvent de plantes de climat doux ou de région littorale comme des méditerranéennes, qui n'ont pas besoin de se protéger en hiver (donc plus fragiles au froid). Leurs feuilles font office de poumons, et elles respirent tout le temps. On ne peut donc pas leur en supprimer. On ne taille donc pas. Au pire on leur raccourcit quelques rameaux, on retaille les pointes sans trop exagérer pour reformer l'ensemble en coussin ou en boule par exemple.

Évidement, les choses ne sont pas toujours aussi simples, mais une fois de plus l'observation des bourgeons va nous aider. En voici quelques exemples particuliers.

  • pour les plantes à tendance automnale, il est encore trop tôt et les bourgeons ne sont pas encore formés pour une observation aisée. On pourrait attendre. Pour ne pas y revenir mais dans le doute, on gratte la tige délicatement avec l'ongle pour vérifier si le bois est mort ou vivant. Il est possible aussi avec un sécateur de tailler des petits tronçons en partant du haut et vérifier si le bois est toujours mort au fur et à mesure de la descente. On s'arrête de tailler dès que l'on rencontre du bois vivant.
  • la même plante en situation et climat différent a un comportement différent. Sa classification en est rendue difficile. Prenons deux exemples que l'on règlera suivant le principe vu au-dessus:
    • les fuchsias rustiques peuvent se comporter en arbustes semi-persistants avec bourgeons en pointes sous climat très doux, arbustes semi-caduques avec départ vers la partie basse de la tige en climat moins doux, en plante herbacée caduque repartant du sol sous climat plus rigoureux. La taille dépendra donc des dégâts de l'hiver.
    • les sauges ornementales de type gregii ou microphylla. Si elles sont hautes et portent déjà quelques fleurs en situation très protégée, elles sont encore peu attractives avec leurs pointes mortes et feuilles rabougries en situation plus froide. On a intérêt à les raccourcir en supprimant la moitié de la partie aérienne.
  • certaines plantes à priori arbustives font un bois tendre de sorte qu'elles peuvent être traitées comme des herbacées. Ainsi les verveines à tisane, vitex, buddleja (arbres à papillons), lavatères peuvent être très sévèrement taillés au sécateur de force, tous les ans au mois de mars
  • le perovskia se présente en ce moment avec peu de feuilles, et avec des tiges portant des boutons de moins en moins vigoureux vers l'extrémité. Nous aurons intérêt à supprimer les moins vigoureux en supprimant le 2/3 supérieur de la plante pour favoriser les bourgeons vigoureux.
  • beaucoup de graminées spectaculaires se rasent fin mars. Certaines, comme les classiques stipa tenuissima, ou les méritants helictotrichon, se présentent sous la forme indéfinissables de feuilles vivantes mélangées à des feuilles mortes. Une taille sévère peut les rendre non présentables pour longtemps voire les tuer. Nous conseillons de les peigner, tout simplement en deux ou trois coups de râteau, les feuilles sèches s'en vont aussitôt.

Nous pourrions traiter nombre de cas particuliers et parler encore longtemps de taille, mais le sujet est trop vaste, et il y a autant de techniques que de jardiniers. Il s'agit là de techniques utiles à améliorer l'effet ornemental du jardin et non pas de soins vitaux aux plantes. Ne perdons jamais de vue qu'il n'y a de taille que parce qu'il y a des jardiniers, car dans la nature les plantes se débrouillent très bien sans nous.